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Dans la jungle, terrible jungle amazonienne

Tout juste débarqués à Iquitos, nous prenons à peine le temps de souffler – on ne peut pas dire que les 6 jours de bateau nous ait beaucoup fatigués – et nous nous organisons pour un petit tour dans la jungle par le biais d’une agence familiale. L’agence, par le biais de son fiston, Ulysses, nous propose une forme d’éco-tourisme basé sur l’observation de la faune et de la flore de la forêt primaire – comme ils l’appellent – autrement-dit, la partie sauvage. La formule nous séduit, il ne nous en fallait pas plus pour nous décider ! Aaron, l’Australien qui n’a plus d’argent ni carte bancaire, mais bien motivé pour nous accompagner, aura même droit à un traitement de faveur : payer au retour, après le week-end, le temps que sa banque active sa carte de secours.

Oh ! Des dauphins gris !

Oh ! Des dauphins gris !

Jour 1 :
le lendemain matin, nous embarquons donc sur un « rapido », les navettes rapides desservant les villages aux alentours. On remonte une partie de l’Amazone, slalomant entre les branches et troncs d’arbre, un trajet ponctué de quelques arrêts afin de retirer des branchages pris dans l’hélice. Juana, la mère d’Ulysses, nous accompagne ce matin, afin de rallier le camps. On descend au village de Tamshiyacu, pour un changement d’embarcation. Les 2 heures suivantes seront plus que pénibles (bien que nous ayons connu pire). Nous grimpons dans une barque en bois propulsée par un moteur riquiqui, sous un soleil de plomb. On nous avait annoncé 45 minutes ! Dans l’estimation des durées, le Péruvien de la jungle n’est pas meilleur que le Péruvien des montagnes ! De plus, à tour de rôle, nous écopons pour rester au sec ! Bref, après avoir remonté une nouvelle section du fleuve, nous empruntons un bras, puis bifurquons dans une petite rivière, rectiligne, où la végétation dense des 2 rives s’étale jusque sur la surface d’une eau calme. Pas de doute, nous y sommes ! Papillons, libellules et bêbêtes en tout genre nous font une haie d’honneur lorsque nous mettons enfin pied à terre.

Traversée en barquette de Lu

Traversée en barquette de Lu

Au bout d’un chemin balisé, en fait de campement, nous trouvons une maison sur pilotis dans une clairière aménagée de quelques arbres fruitiers. Nous visitons les lieux pendant que Juana s?attèle directement au fourneau : quelques briques, un feu de bois et une grille pour poser les casseroles, c’est sommaire mais ça marche très bien ! Pendant 3 jours, notre cuisinière nous préparera des petits plats somptueux. Tout est en bois, et la toiture en feuilles de palmier. On a même droit à des chambres avec moustiquaires. La douche est desservie par un réservoir d’eau de pluie. Dépourvu d’électricité bien-sûr, l’endroit est éclairé par quelques lampes à pétrole. Raúl, notre guide, nous ayant rejoint pour le déjeuner, nous partons pour notre première exploration. Equipés de grosses bottes en caoutchouc pour nous protéger des serpents, nous rejoignons l’autre rive. Notre guide nous fait traverser chacun notre tour dans une barque minuscule faite pour une personne, en ramant avec sa machette, une traversée un tantinet périlleuse où le moindre mouvement brusque risque de nous faire chavirer. Raúl, un petit jeune, natif de la communauté voisine (son village s’appelle « Centro America » !), connait son coin de forêt comme sa poche. On a l’impression de progresser au hasard, la tête en l’air, afin de débusquer des bestiaux bien cachés. Il est également doté d’une vision bionique : il repère à l’oeil nu des paresseux, des iguanes ou des faucons, là où nous ne voyons que des branches ou des feuillages ! Au retour de cette balade, nous empruntons heureusement une barque de taille plus honorable qui traînait par là, comme si elle était en libre service…
Tout doux le scorpion
Tout doux le scorpion

Tout doux le scorpion

Tout doux le scorpion

La nuit tombée, des pelotons de moustiques, que je pensais déjà bien repus, nous assaillent de toute part ! Malgré les manches longues, nous nous claquons de manière répétée, comme si nous nous entraînions à danser la Macarena. Nous partons alors à la recherche de tarentules (« tarantula » en espagnol, mais en fait, ce sont des mygales) à la lumière de nos lampes frontales ! Raúl nous fait encore preuve d’un sens de l’orientation hors norme dans l’obscurité persistante. Nous débusquons sans peine quelques spécimens, ainsi que scorpion, araignée-scorpion, serpent-corail, chenilles, grenouilles, etc… Nous retrouvons le gîte comme par magie à l’heure d’un dîner délicieux bien mérité !

 

Miam miam, un piranha !

Miam miam, un piranha !

Jour 2 :
Lever à l’aube ! Nous partons pour une douce promenade en barque afin d’observer les divers oiseaux matinaux sous un beau lever de soleil ! Mon état à moitié ensommeillé ne me permet pas de retenir tous les noms de la diversité de volatiles observés… d’autant plus que je suis une quiche en ornithologie ! Le reste de la matinée est consacrée à une superbe partie de pêche aux piranhas, au menu de notre déjeuner ! Il nous font donc réussir pour assurer notre subsistance… à savoir qu’en guise d’appât nous avons utilisé des petits morceaux d’un poisson que Raúl a sorti de l’eau au harpon ! Il est décidément sacrément fortiche ce petit gars ! Le piranha n’est pas aussi dangereux qu’on le croit, pour preuve, Kelvin et Gringo, les deux chiens qui nous suivaient depuis le début de notre promenade, ont traversé le lac à la nage pour nous rejoindre, sans se faire croquer ! Nous ramenons une bonne quinzaine de prises, dont quelques bars et un gros poisson-chat ! Quelques nénuphars géants plus tard, nous nous mettons à table avec ces prédateurs grillés dans l’assiette !

Une mangue sous la pluie

Une mangue sous la pluie

L’après-midi, il est question d’aller observer des alligators Alors que nous arrivons au village de Raúl, une pluie diluvienne s’abat sur nous. On s’abrite précipitamment chez lui en attendant que ça se calme, alors que dehors, les enfants continuent à jouer de bon coeur. Nous faisons une nouvelle tentative pus tard, mais rebelote, et nous voilà trempés jusque dans nos bottes. La nuit tombe, et quelques passages délicats nous persuadent de rebrousser chemin avant la nuit noire ! Sauf Raúl évidemment, pour qui la pluie battante ne semble être qu’un détail minime. Il nous ramène, un peu déçu de ne pouvoir remplir son rôle de guide jusqu’au bout. Têtu, il nous promène en barque, profitant d’une accalmie, jusqu’à ce qu’on en trouve un, enfin (un alligator) ! En fait, nous ne voyons qu’un oeil brillant dans le noir… je le crois sur parole, allez, on rentre maintenant, je voudrais mettre des habits secs !

A la recherche de dauphins roses

A la recherche de dauphins roses

Jour 3 :
Nous partons pour une nouvelle promenade en barque, sur l’Amazone cette fois-ci, à la recherche de dauphins roses. Je reste un peu perplexe, quelles chances avons-nous d’en apercevoir plus que lors d’un trajet quelconque ? Nous longeons quelques rizières, avant d’arriver au lieu adéquat, en grognant des bruits de cochon affamé – pour imiter Raúl, qui doit s’y connaitre. On en verra bien quelques uns, furtivement, si par chance nous regardons dans la bonne direction au bon moment… mais ils restent tout aussi difficiles à photographier, il faut un vrai coup de bol ! Nous finissons en débarquant sur une plage afin de nous baigner dans les eaux de l’Amazone !

Passager clandestin

Passager clandestin

Notre séjour se terminant, nous reprenons le chemin d’Iquitos, un trajet a priori plus rapide car dans le sens du courant. C’est sans compter sur un nouveau déluge qui nous voit baisser les bâches déchirées et les retenir tant bien que mal pour nous protéger, et qui oblige même le bateau à s’arrêter un bon moment à cause des vagues soit-disant trop importantes. On repense à notre périple en Colombie, sur la mer des Caraïbes, en se disant que ces gens n’ont jamais pris la mer !

Sur le hamac, sur le bateau, sur l’Amazone

Encore un dessin fait sur le bateau en route pour Iquitos. Depuis le poste d’observation de mon hamac, j’ai croqué la maman de Maria, ma voisine.
Pendant les 5 jours de navigation, elle regardait avec nostalgie par la fenêtre, du haut de son mètre 40 et de ses 83 ans.

Le dauphin rose de l’Amazone

Et oui, ce n’est pas une blague, il y a des dauphins roses dans l’Amazone (aussi appelés « botos ») ! Il y en a aussi des gris, plus petits, mais d’une marque différente.
Mais les dauphins roses, eux, sont les plus grands cétacés d’eau douce, ils mesurent jusqu’à 2 m 80 et pèsent environ 150 kg.

Véritable fossile vivant qui a su conserver l’aspect des premiers dauphins du Tertiaire, le Boto a quitté les flots salés de l’océan, il y a de cela plusieurs dizaines de milliers d’années, pour remonter peu à peu les fleuves et s’adapter à la vie en eau douce. Mieux encore, on peut dire dans son cas qu’il s’agit vraiment d’un « dauphin de la forêt pluvieuse », car là où il habite, dans les eaux sombres de l’Amazone ou de l’Orénoque, la jungle est massivement inondée chaque saison pendant six mois. Elle se transforme alors en une étrange forêt aquatique où les poissons volent de branche en branche pour y manger les fruits et les baies, entre les feuilles de la canopée.
On en dénombre environ 100 000 individus.

En 1982, l’équipe du commandant Cousteau venue étudier l’espèce dénonça les expériences scientifiques qui mettaient en danger ces stupéfiants mammifères. En effet, les botos étaient capturés et on prélevait leur rétine, incroyablement similaire à la rétine humaine à des fins médicales.
Aujourd’hui, ils sont protégés par la loi, et celui qui en tue un risque 4 ans de prison.

Il était un petit navire…

Partis de Arequipa le 19 octobre, après une halte à Lima, un avion nous a emmené jusqu’à Pucallpa, petite ville poussiéreuse, mais l’une des portes d’entrée pour se rendre à Iquitos, en plein cœur de la forêt amazonienne. Pour cela, il n’y a guère d’option, Iquitos n’étant pas reliée par la route au reste du pays, il faut y aller soit en avion, soit en bateau. C’est cette dernière option que nous avons choisi, connaissant les conditions spartiates de ce type de voyage nous étions curieux de les partager avec les locaux, qui eux, n’ont pas vraiment les moyens de prendre l’avion! Ce fût une expérience inoubliable.
Voici mon carnet de bord, écrit pendant le trajet sur le bateau.

Lundi 22 octobre – Pucallpa

Bienvenue à bord

Bienvenue à bord

Nous voici sur le « Pedro Martin », le bateau qui devrait nous emmener jusqu’à Iquitos. Il est exactement 17h50, et nous attendons couchés dans nos hamacs, le départ. Nous attendons depuis ce matin 9h! On nous avait dit . « Allez-y assez tôt pour pouvoir choisir un bon emplacement pour installer vos hamacs »:
C’est sûr que lorsque nous sommes montés à bord, il y avait à peine 5 personnes: 9 heures plus tard une centaine de hamacs se balancent sur le premier pont… IL SERAIT PEUT-ÊTRE TEMPS D’Y ALLER!
Durant ces longues heures d’attente, nous avons eu l’occasion de faire connaissance avec nos voisins : Roberto, un liménien en vacances, Maria, venue chercher sa maman à Pucallpa, pour l’emmener vivre avec elle et sa famille à Iquitos, et Aaron, un australien, le seul autre gringo du bateau, qui nous a demandé vers midi de surveiller ses affaires, et qui n’est toujours pas revenu…!
Avant le départ, on nous avait aussi dit qu’on arriverait dans 3 jours à destination, soit jeudi. Mais des rumeurs persistantes, relayées par nos compagnons de voyage nous incitent fortement à penser que sera plutôt vendredi. A suivre, donc!

Mardi 23 octobre – Sur l’Ucayali

Des canards à bord

Des canards à bord

Non seulement le bateau n’est pas parti hier entre 15h et 17h comme prévu, mais il n’est pas du tout parti hier!
En fait, quand toute à l’heure, à 14h, les moteurs se sont mis en route, j’ai cru rêver! du coup, on peut dire qu’on a déjà fait 30 heures de bateau sans que ce dernier ne largue les amarres!
Et on n’a toujours pas compris la raison de ce retard. J’imagine des usagers de la SNCF à la place des patients (fatalistes?) péruviens… Ça aurait été la mutinerie sur le Pedro Martin! Mais bon, nous sommes finalement partis, et ça remplit de joie notre fin d?après-midi. Il est maintenant 17h30, et on profite du soleil couchant sur le pont supérieur. L’expérience de l’embarcation indolente sur cet immense fleuve Ucayali, les parfums de la forêt primaire toute proche… c’est sensationnel! Ça valait le coup d’attendre!
A noter que notre voisin l’australien a repointé son petit nez retroussé vers midi.. Soit 24h après nous avoir indiqué qu’il partait faire un petit tour… Bien sûr, entre temps, nous nous étions inquiétés et avions prévenu le capitaine de son absence plutôt suspecte! le fin mot de l’histoire, c’est qu’il est resté à picoler sur le port, et que la nuit venue, il s’est endormi dans la rue! A son retour, c’est dépouillé de son argent, carte de crédit, passeport, et même de ses chaussures qu’il est revenu, mais avec une belle gueule de bois! Ah, ces gringos!

Mercredi 24 octobre – Sur l’Ucayali

Le déluge

Le déluge

Hier soir, on ne nous a même pas servi à manger, alors qu’on avait quand-même quitté Pucallpa dans l?après-midi.
Mais bref, ça ne nous a pas empêché de dormir… jusqu’au moment où l’administrateur du bateau a choisi de contrôler les billets… à 1h du mat’ ! C’est pas comme s’il n’avait pas eu le temps avant pourtant! Ce main, on a fait la queue comme des prisonniers pour avoir le droit de remplir notre gamelle d’avoine, notre petit déjeuner bienvenu après la diète d’hier soir.
Après une balade sur le pont supérieur, on s’est aperçu que la barrière de la passerelle avait été défoncée pendant la nuit (par un arbre ?)`sans doute à cause d’une mauvaise manœuvre lors d’un halte: En tous cas, on ne s’est rendu compte de rien!
A midi, certains passagers ont débarqué à Cotamana, leur destination finale, ça nous a fait un peu de place dans notre immense dortoir: Roberto, notre voisin liménien en a profité pour faire une petite promenade à terre, manque de bol pour lui, pour une fois, le capitaine qui lui avait annoncé 1 heure d’escale, était en avance, et une demi-heure plus tard, nous quittions Cotamana… sans Roberto… qui a dû payer 40 soles une barque à moteur pour nous rattraper !
45 minutes plus tard, une pluie diluvienne se déchainait sur nous… pluie qui ne s’est toujours pas arrêtée à l´heure qu’il est (16h30).

Jeudi 25 octobre – Sur l’Ucayali

Le soleil se couche

Le soleil se couche

Ce matin, après une nuit frisquette, il s’est quand-même arrêté de pleuvoir. Le ciel est tout de même resté couvert toute la journée, ce qui rendait l’atmosphère plus fraiche, moins étouffante… Ce qui était ma foi bien agréable !
Au petit déjeuner : riz au lait
Au déjeuner : riz au poulet
Au dîner : Soupe de riz
Je repense à Pauline imitant un enfant chinois devant son bol : « Encore du riz !!! »
J’ai l’impression que le cuistot s’inquiète de notre transit… Petit plaisir quand ce matin, un péruvien est venu nous mendier un médicament contre la diarrhée ! C’est avec un grand plaisir que nous lui avons offert un SMECTA… Le gringo qui soigne le natif contre la turista!!!
Sinon, les journées s’écoulent paisiblement entre lecture et promenades sur le pont, où nous profitons en fin de journée de couchers de soleil somptueux accompagnés d’effluves du bois coupé que nous transportons sur l’embarcation et des parfums de la jungle qui nous entoure. Nous apprécions énormément ce voyage…
Vendredi 26 octobre – Sur l’Ucayali

Escale à Requena

Escale à Requena

Aujourd’hui, j’ai vu un dauphin rose !!! Et oui, après une journée quasiment comme les autres, quoique extrêmement chaude nous avons fait une halte au petit village de Requena, vers 16h… Et là… j’ai vu un dauphin rose!!! Malheureusement, impossible de réussir à le photographier…
Fin d’après.midi toujours aussi exquise sur le pont supérieur, au soleil couchant, à discuter avec nos compagnons de voyage péruviens. Bon, la conversation a porté principalement vers la religion, à savoir, les différences entre catholiques et évangélistes. Ils sont plutôt évangélistes dans ce coin apparemment. Quand on m’a demandé si je croyais en dieu, je n’ai pas osé dire que j’étais athée intégriste… J’ai juste dit : « Hum, je ne sais pas, j’ai des doutes ! »…
Sinon, on est censé arriver demain vers midi à Iquitos… Où on se délectera, aussitôt débarqués, d’une bonne bière fraîche… C’est dit !

Arivée à Iquitos

Arivée à Iquitos

Finalement, nous sommes bien arrivés samedi 27 octobre à Iquitos, vers 14h.
Au total, nous avons passé 6 journées sur le Pedro Martin, vu 4 couchers de soleil depuis le fleuve (et oui, on a eu un soir de pluie !), lu 5 livres à nous deux, dormi environ 72 heures, mangé au moins 2 kilos de riz chacun (aucun smecta) et bu 0 bière.