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Machu Picchu président !

« Mère de pierre, écume des condors.
Hauts récifs de l’aurore humaine.
Pelle abandonnée dans le premier sable.
Ceci fut la demeure, ceci est le lieu :
Là, les larges grains de maïs montèrent
Et descendirent à nouveau comme une grêle rouge »

Ainsi est décrit Machu Picchu, par Pablo Neruda, dans son « Chant Général ». La citadelle inca ne cesse d’inspirer ses visiteurs depuis des générations. De Homer Simpson à Mick Jagger, qui passèrent par là, de Gloria Estefan qui y tourna une vidéo, aux Strokes qui en firent une chanson, du sultan de Bruneï qui loua le site pour lui tout seul, à Che Guevara qui y fit une halte pendant son « Voyage à motocyclette », chacun a profité à sa manière des instants magiques passés au milieu de ces ruines.

Homer au Machu

Homer au Machu

L’œuvre maîtresse de l’architecture inca, perchée entre 2 cimes, le Machu Picchu (le vieux pic) et le Huayna Picchu (le jeune pic), dominant la vallée de la rivière Urubamba 400m plus bas, possède non seulement un emplacement somptueux, des constructions finement ajustées, mais ce qui frappe par-dessus tout, c’est l’harmonie du site, qui se fond naturellement avec son environnement. Comme si la citadelle avait poussé là, parce que Pachamama l’aurait décidé.
Mais en fait non. Ce ne sont ni les dieux, ni les extraterrestres les responsables de cette merveille, mais bel et bien notre très cher Pachacutec (toujours lui).

Majestueux Machu

Majestueux Machu

La construction débuta sans doute aux alentours de 1450, et on sait, grâce aux monolithes inachevés dispersés dans la carrière du site, que les travaux se poursuivaient encore en 1533, lors de la conquête espagnole. On ne sait toujours pas exactement pourquoi les espagnols n’y mirent pas les pieds… Secret bien gardé ou oubli de son existence par les natifs ?
Le grand Inca n’a pas simplement choisi ce lieu parce qu’il était joli, pas si superficiel le Pachou ! La présence d’une source, et également d’une carrière potentielle sur place a influencé les suffrages. La planification technique de Machu Picchu est le vrai secret de sa longévité. Les travaux préparatoires pour le drainage et la canalisation représente 60% de l’effort total des architectes. Et oui, c’est-à-dire que 60% du site se trouve sous terre. Il n’en fallait pas moins pour soutenir les 14 hectares de lourds édifices.

Canalisations

Canalisations

La construction commença donc par le bas. Des excavations, tout d’abord, remplies de tonnes de fragments de granit recouverts de graviers, puis de sable fin et enfin, d’un délicieux nappage de terre fertile, assuraient le lent filtrage des eaux de pluies (environ 2m par an), aidant au savant procédé de canalisation, véritable réseau veineux, situé 3m sous la peau du Machu Picchu.
On formait ensuite des murs de contention, légèrement inclinés afin de renforcer la stabilité. Ce sont ces grandes terrasses que l’on peut encore admirer aujourd’hui, qui permettent le maintien du site. Seulement certaines d’entre elles servaient pour l’agriculture, les plus petites, étaient d’ailleurs garnies d’orchidées et de fleurs de tous types (il y a plus de 2000 espèces de plantes dans l’espace écologique protégé du sanctuaire). On pense qu’une centaine de personnes habitaient ici à l’année, en revanche, les 16 fontaines de la ville étaient capable d’en ravitailler 1000.

On suppose que Machu Picchu aurait été un lieu de villégiature pour la noblesse cusquénienne, qui se les pelait sévèrement l’hiver dans la capitale, et venait donc ici se la couler douce grâce à une température plus clémente, due à l’altitude plus raisonnable (2400m) de la cité. Le nombre d’édifices religieux présents dans le secteur urbain, démontre la grande préoccupation du peuple pour les rituels et cérémonies.

Terrasses

Terrasses

Ainsi, en déambulant dans la ville, on peut admirer, par exemple le temple du soleil, non sans rappeler, par son enceinte incurvée, celui de Qoricancha, à Cuzco. Son unique fenêtre, trapézoïdale, est orientée et parfaitement alignée vers le lever du soleil lors du solstice d’été. Cette tour (comme on l’appelle) est construite sur la même roche composant, juste en-dessous, donc, une grotte, pourvue d’un autel en forme d’escalier, dont l’ombre projetée durant le solstice forme une croix andine. Quel peuple poétique !
Saviez-vous qu’il se servaient comme outils de taillage, de pierres d’une densité leur donnant une dureté comparable au fer ? C’est donc en tapant des cailloux les uns contre les autres (et beaucoup de patience) qu’ils érigèrent ce qui est aujourd’hui considéré comme l’une des 7 merveilles du monde moderne !

Le temple du soleil

Le temple du soleil

On doit la diffusion de l’information, de la présence de cette merveille, à l’américain Hiram Bingham. Professeur à l’université de Yale, il se mit en tête de tout plaquer, pour découvrir la mystèrieuse Vilcabamba, dernier refuge de Manco Capac II et de sa rébellion. L’explorateur (qui semble avoir inspiré Steven Spielberg pour Indiana Jones), entendit parler par des natifs, de ruines situées dans la vallée de l’Urubamba, et décida d’y faire un détour, juste pour voir. Le matin du 24 juillet 1911, il réussit à convaincre, pour 1 sol, Melchor Arteaga, qui vivait dans le coin, de l’emmener par le chemin inextricable menant aux fameuses ruines. Arrivés là-haut, ils rencontrèrent 3 familles vivant sur place (et oui, dans le Machu), cultivant maïs et piment sur les terrasses, qui lui offrirent des fruits, à boire, voire une petite tasse de thé avec un nuage de lait… On est loin d’Harrisson Ford et du Temple maudit », mais bon. Sur place, Hiram Bingham prit quelques clichés, trouva gravée sur un pierre l’inscription : « Austin Lizarraga, 1902 », prouvant qu’un autre avant lui avait mené une expédition jusqu’ici. Bref tout ceci était bien sympa, mais il écrivit dans son journal de bord « rien d’important ».

Hiram Bingham

Hiram Bingham

Il continua donc ensuite son voyage sur le chemin de Vilcabamba et fit chou blanc pour débusquer ce qu’il cherchait. C’est de retour chez lui qu’il se dit : « et pourquoi pas Machu Picchu ? » Il réussit à convaincre l’université de Yale de financer une 2e expédition, et fort du soutien de « National Geographic », il retourna à Machu Picchu l’année suivante accompagné d’une équipe scientifique pluridisciplinaire.
3 mois de défrichage furent nécessaires pour qu’il se rende enfin compte de l’importance du lieu. On Employa pour cela nombre de travailleurs, dont les familles Alvarez, Riharte et Fuentes, vivant sur le site à son arrivée. On incendia même certaines parcelles pour plus de rapidité ! En 1925, inauguration de la voie ferrée reliant Aguas Calientes, en 1948, construction d’une route menant de la gare, au site. Cette même année, Bingham publie un livre intitulé « La cité perdue des incas », mettant ainsi au cœur de l’imaginaire du monde entier, le Machu Picchu.

Machu Picchu 1911 / 1912

Machu Picchu 1911 / 1912

Dommage, qu’il oublie de mentionner la stèle gravée par son prédécesseur en 1902… Dommage également, que par un habile contournement de la loi péruvienne de l’époque, l’équipe américaine en profita pour sortir tous les artéfacts présents sur le site ! Ce patrimoine immense se trouve aujourd’hui, disséminé soit dans les vitrines de musées aux Etats-Unis, soit dans des collections privées. L’année dernière, grâce à l’action médiatique du président Alan Garcia, 366 objets sur les 45 000, ont été restitués par l’université de Yale, qui les détenait. Le reste devrait suivre dans les mois à venir pour le plus grand bonheur du pays qui pourra ainsi profiter pleinement de son patrimoine.

Avril 1913

Avril 1913

2500 visiteurs parcourent chaque jour le sanctuaire. Et encore, les places sont limitées ! En juin dernier, l’UNESCO a demandé aux autorités de leur présenter un rapport imminent, sur l’état de conservation du site, sous menace de rayer Machu Picchu de son patrimoine (auquel il est inscrit depuis 1983). En effet, victime de son succès, la cité inca est mise régulièrement en danger. Il y a quelques années, un projet mégalomane prévoyait de construire un téléphérique entre Aguas Calientes et la citadelle. Sans parler de la fois où, lors du tournage d’une publicité pour une marque de bière, une grue tomba et endommagea l’horloge solaire de l’intihuatana. L’UNESCO veille donc à limiter les excès autour de ce spectaculaire patrimoine. Elle s’oppose en ce moment au projet de route qui pourrait bientôt relier Aguas Calientes.
C’est justifié à mon avis, l’endroit pousse à la contemplation, complètement en inadéquation avec les tours organisés par les agences qui poussent les touristes à courir partout, et parfois à grimper impunément sur les enceintes ancestrales.

L'intihuatana, horloge solaire

L’intihuatana, horloge solaire

  • Pour écrire cet article je me suis principalement basée sur le captivant ouvrage de Sergio Vilela et José Carlos de la Puente : « El ultimo secreto de Machu Picchu »
  • Je vous invite aussi à vous rendre sur cette page, pour visionner une infographie 3D de Machu Picchu

En ballotage : Ollantytambo

En quechua, « Ollantaytambo » signifie l’auberge d’Ollantay. Et non, la ville n’est pas dédiée à notre cher président Ollanta Humala, mais à un jeune soldat inca (du nom de Ollantay donc), qui, épris de la fille de Pachacutec, souleva une rébellion, devant le refus de l’empereur à lui accorder sa main. S’étant illustré bravement en affrontant l’armée, il dut néanmoins capituler, et comme, entre temps, merveilleux hasard, Pachacutec mourut, son successeur de fils, Tupac Yupanqui, permit tout de même aux deux tourtereaux de se marier. Trop sympa!
La forteresse monumentale qui domine le village servit aussi de refuge à Manco Capac II, après la déroute de la bataille de Cuzco (expliquée ici). Il remporta une victoire significative à Ollantaytambo sur les espagnols, mais ceux-ci revinrent à la charge plus nombreux, et finalement, Manco et son armée durent prendre la fuite dans la jungle… Une victoire et une défaite pour la ville, ce qui en fait à la fois la Gergovie et l’Alésia du Pérou !
A noter pendant la visite du site, des canalisations creusées à même la roche, ses gradins colossaux, des blocs de plusieurs tonnes minutieusement ajustés, un gigantesque mur, composé de six monolithes porphyre rouge, provenant d’une carrière située à 6km de là… etc.
Sinon, Ollantaytambo, c’est aussi le terminus de la route qui mène au Machu Picchu. Arrivé là, tu marches ou tu prends le train pour atteindre la mythique citadelle. Nous, on a pris le train. A suivre au prochain épisode.

Entre deux tours : Moray

Quand on se balade dans la vallée sacrée, il y a des sites exceptionnels même si on ne s’intéresse ni à l’histoire, ni à l’architecture. Moray fait partie de cette catégorie. Parce que c’est beau. Et même, pour reprendre, la reprise de l’expression par Bast et Ju, c’est graphique. En plus, c’est une courte balade (les lieux ne sont pas gigantesques), que nous avons calé entre la visite des salinas de Maras, et Ollantaytambo.
Ces gradins concentriques, dont chacun des niveaux est irrigué par un savant système de canaux, servaient probablement de laboratoire d’expérimentation des cultures de l’empire. Les différents escaliers profitant de leur propre microclimat grâce à une position élaborée, il semblerait que l’on pouvait simuler une vingtaine conditions climatiques distinctes, et expérimenter le développement de plus de 250 espèces !
Les incas testaient ainsi les plants dans différentes conditions, pour ensuite améliorer leur agriculture à l’échelle du pays.
Sur les 3 amphithéâtres que l’on peut admirer, un seul est complètement restauré.

A noter :

  • pour circuler d’une terrasse à l’autre, un ingénieux dispositif de marches encastrées dans les murs
  • Environ 10 niveaux composent l’ensemble principal
  • chaque niveau mesure environ 2 m de hauteur

Sacsayhuaman : des zig-zags et des légendes

Situé à 15 minutes de marche de Cuzco (en descendant, pas en montant (en fait, on sait pas, parce qu’on n’a pas essayé en montant)), Sacsayhuaman, construite par notre copain Pachacutec, servait, vraisemblablement, vue sa position stratégique, de forteresse militaire (selon certains, parce que selon d’autres, ce serait un lieu de culte). C’est d’ailleurs sous ses monumentales murailles en zig-zag, que se joua l’une des plus célèbres batailles inca VS espagnols. Je vous raconte?

Allez, ok : Si vous avez lu le super article de Kim  » les incas pour les nuls« , vous savez qu’un Inca fantoche, mis en place par les colons, du nom de Manco Capac II, se souleva contre le pouvoir ibérique. Bon, et bien, lui et ses rebelles s’emparèrent de Sacsayhuaman et s’y retranchèrent.

Lors de l’assaut final et victorieux des espagnols (et oui, les espagnols ont gagné, ça se saurait si les incas avaient réussi à reprendre Cuzco!) , une légende (que les guides se délectent à te raconter pendant que tu en chies à grimper les marches à 3700m d’altitude) relate qu’un capitaine inca, acculé dans sa tour, préférant que d’être capturé par l’ennemi, se jeta dans le vide en prononçant ces mots : « les rapaces seront satisfaits » , en référence aux vautours qui déjà se repaissaient des cadavres des victimes… et bientôt du sien…

TOUT ÇA POUR DIRE que se serait la traduction quechua du nom de « Sacsayhuaman » (mais ici encore, les avis divergent).

Sinon, Manco Capac II, lui, a fuit jusqu’à Ollantaytambo (encore un nom fastoche à retenir), siège d’une autre bataille importante.
Par la suite, les espagnols prirent soin de se servir du site comme carrière pour construire leurs édifices… On imagine la démesure de Sacsayhuaman à son apogée !
Évidemment, toute la visite fut extrêmement instructive grâce aux détails et aux anecdotes que nous distillait notre guide (étudiant en anthropologie) Angel.

Comme par exemple, l’histoire d’un souterrain qui relierait le site à l’équateur, rempli de trésors, dans lequel se seraient perdus d’avides conquistadors. Mais nous n’avons pu nous empêcher de constater que les vérités assénées par un guide dans un lieu, sont autant de contradictions avec la version d’un autre guide ailleurs… Nous en reparlerons…

Pisac : un mini Machu !

Si l’on ne dispose que de peu de temps dans la vallée sacrée, le site de Pisac est celui que l’on doit visiter. En plus de l’avantage d’avoir un nom facilement prononçable, c’est une excursion magnifique et complète, dans le sens où l’on peut profiter du plus beau marché artisanal du continent , sur la place du village actuel (à venir dans un prochain article), et visiter des ruines incas des plus intéressantes, surplombant le bourg, tout en jouissant d’un panorama époustouflant.
Les vestiges du site de Pisac sont donc perchés sur une crête vertigineuse, et divisés en quatre secteurs :

  •  Kinchiracay, ancien bastion fortifié, servant sans doute de refuge à la population lors d’invasions
  •  Q’Allaqasa, citadelle militaire construite sur un éperon rocheux d’où l’on domine la vallée
  •  Pisaqa, quartier résidentiel réservé à la noblesse
  •  Secteur religieux de l’Intihuasa, constitué de bâtiments dont les pierres sont admirablement taillées et ajustées et comprenant le temple du soleil et un superbe réseau de canalisations

A noter que durant la balade, on peut admirer les plus impressionnantes cultures en terrasses incas du pays (encore utilisées aujourd’hui), et qu’on traverse un tunnel obscur d’une longueur de 8 m, propice aux blagues relous de Alain, qui te ferait sursauter, déraper et dévaler la falaise, laissant ainsi le monde orphelin de ton exquise personne ;-D.