A en croire les innombrables agences de trek d’Arequipa, la randonnée au canyon del Colca est la principale activité touristique de la région. Il nous fallait donc voir ça de près, car vous nous connaissez, la rando, on a ça dans le sang… ou disons plutôt qu’on se saigne dès qu’on randonne !
En fait, Mag avait déjà repéré les lieux lors de son premier passage il y a 8 ans – elle s’était alors bien gardée de s’aventurer dans les profondeurs insondables de la vallée. Oui, car tout canyon se caractérise par sa profondeur, et celui-ci ne fait pas exception : avec ses 3400m de dénivelé, il a même été longtemps pris pour le plus profond du monde, avant d’être détrôné récemment (on en reparlera).
Après avoir écouté les récits de nos amis Bast&Ju et Bricoles, et autres routards croisés à l’hôtel, ou encore Pepe (notre proprio), il nous est apparu évident qu’il fallait y pénétrer pour découvrir sa vraie nature (bien placée, celle-là, ndlr), et ses petits villages perdus. Ce canyon pourrait même voir naître sa légende, suite à la disparition de Ciro, un jeune homme que l’on n’a toujours pas retrouvé après plusieurs mois (on aura aussi l’occasion de reparler de cette histoire qui fait toujours la une des journaux).
Nous voilà donc fièrement équipés avec chacun son bâton de rando étincelant, et chaussures de rando neuves pour Mag, attendant le bus à la gare routière, le sac à dos préparé pour 5 jours. Notre organisation au poil nous vaudra plusieurs heures d’attente pour cause d’autobus complet (no comment !), ce qui nous permet d’observer longuement la pagaille ambiante…
Chivay, à l’entrée du canyon, sera notre première étape après 3-4 heures de bus, passant par le col de Patapampa – 4900m – plus haut que le Mont Blanc ! voilà, ça, c’est fait !
Situé à (seulement !) 3700m, c’est un charmant village où il fait bien froid une fois la nuit tombée. C’est donc le bonnet enfoncé jusqu’aux oreilles et les gants aux mains qu’on se promènera. Le lendemain, une chouette petite balade de 3km à peine nous conduira à la Calera, bains d’eau naturellement chaude – en fait, même refroidie de 80° à 35° – dans un panorama somptueux ! Bref, débuts plutôt peinards pour une rando… j’aime assez !
En début d’après-midi, on reprend un bus pour rejoindre Cabanaconde, par une piste longeant le haut du canyon. Le décor est splendide bien-sûr, inquiétant parfois, mais on se régale. En chemin, un couple de français en tour-du-monde-sac-à-dos montera dans le bus bondé, avec leurs 2 gamins de 2 et 5 ans…
Cabanaconde est le village d’où partent la plupart des treks, le panorama est toujours magnifique, avec ses cultures en terrasse, ses cimes, ses étendues rocailleuses, ses cactus. On ne s’en lasse pas, et on s’offre une petite promenade jusqu’au mirador surplombant la vallée avant l’heure du pisco sour.
Ce n’est que le lendemain qu’on entreprendra les choses sérieuses, au menu : descente au fond du canyon et remontée de l’autre côté jusqu’au village de Malata, village de Llahuar le lendemain et retour le jour suivant. Le chemin muletier qu’on emprunte traverse les terrasses de culture sur le plateau avant d’entamer une descente escarpée, vertigineuse, voire abyssale ! Le soleil cogne déjà fort, on transpire à grosses gouttes, les articulations souffrent sur les cailloux instables. On croise une péruvienne et sa maman agée, rejoignant l’arrêt de bus (6h de marche depuis leur village, principalement en montée raide), on croise aussi de nombreux touristes, exténués, la langue pendante et le souffle court… on angoisse rien que de penser au retour…
C’est après 2h à peine qu’un imprévu viendra tout chambouler : suite à une petite glissade, et se retrouvant le cul par terre, Mag s’aperçoit qu’une semelle de chaussure s’est fait la belle, et que la deuxième est sur le point d’en faire autant ! Oups ! Les pompes toutes neuves, ben… c’est de la daube made in Perou ! Bien, on s’est fait entuber sur l’achat, certes, mais le plus ennuyeux c’est que ça devient d’autant plus casse-gueule ! Changement de plan : on descend au fond où se trouvent des hébergements, pour rentrer dès le lendemain.
Une fois arrivés – 1200m de descente tout de même – et pas mal fatigués, la remontée du lendemain nous fait vraiment flipper. L’endroit s’appelle l’oasis de Sangalle, un coin de verdure luxuriant au milieu de toute cette rocaille, situé au bord du rio Colca. C’est vrai qu’on le voyait depuis longtemps… longtemps… longtemps lors de la descente qui n’en finissait jamais, avec ses grands palmiers et ses piscines, peut-être qu’on en rêvait tellement on grillait sous le cagnard ! Bref, c’est tout bien aménagé, des petites cabanes aux toits de palme, des piscines et des touristes en maillot de bain sur les transats, si bien qu’on se croirait un peu au club Med ! C’est assez incongru mais compréhensible étant donné la quantité de circuits organisés passant par là.
Après le réconfort de quelques Arequipeñas, nous partageons une table et sympathisons avec quelques touristes bien de chez nous (Julien, Emilie, Sébastien et Elodie). Eux, sont venus avec un guide qui prévoit d’entamer la remontée sans petit-déjeuner à 4h du matin pour éviter la chaleur (et d’y voir clair, ai-je envie de dire).
Pour notre part, on préfère partir après avoir pris des forces avec les premiers rayons du soleil. Commence alors un véritable calvaire, un chemin de croix interminable sous un soleil de plomb, avec des sacs à dos semblant s’alourdir, sur les 1200m de dénivelé (rappel) par le même chemin escarpé qu’à l’aller. Chaque pas nous coûte, le maillot s’imbibe de sueur, on se fait doubler par des touristes sur des mules, à leur aise. On aurait pu en louer aussi d’ailleurs, mais notre orgueil nous l’interdit, on se doit de réussir ce défi ! On hallucine en croisant des enfants péruviens qui gambadent dans la descente, sandales aux pieds…
Après 4 heures et au prix d’un effort impensable, on approche enfin du plateau, nos réserves d’eau sont épuisées (mais les sacs ne paraissent pas plus légers), à 3300m l’air semble se faire déjà rare rendant la progression toujours plus difficile. Reste alors à traverser les champs de culture, mais comme pour nous compliquer encore la tache, les campesinos choisissent cet instant précis pour ouvrir les vannes d’irrigation inondant les terrasses et les chemins, transformant les lieux en véritable labyrinthe !
C’est le dos en compote, le gosier sec et les jambes chancelantes qu’on atteint la place du village. On dévalise une vendeuse d’eau, et on grimpe dans le premier bus qui ne nous emmènera pas plus loin que Chivay, car complet jusqu’à Arequipa (no comment !). Ce soir-là, on verra de la pluie pour la première fois dans la région, et on se couchera exténué à 18h devant la télé. On rêvera de massage et de bains de pied, en jurant de mieux se préparer la prochaine fois, car mine de rien, la rando au Pérou, ce n’est pas comme aller cueillir des champignons…