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Iquitos, une île dans la forêt amazonienne

C’est en survolant Iquitos, que l’on constate son statut d’île au milieu du moutonnement des feuillages de la forêt amazonienne, cerclée des méandres paresseux du fleuve amazone et de ses confluents. On peut aussi l’appeler « île », car on ne peut la rejoindre que par voie fluviale et aérienne… Étonnant quand on sait que cette ville abrite près de 450 000 âmes !

Ce n’était qu’une petite colonie après sa fondation par les jésuites au XVIII ème siècle, qui subit une explosion démographique insensée pendant les 30 années du boom du caoutchouc (1885 – 1913). Ce fût l’âge d’or d’Iquitos. Des entrepreneurs de toutes nationalités constituèrent des fortunes colossales grâce à l’exploitation des hévéas, et malheureusement des indiens qui avaient la lourde tâche de recueillir le latex pour leurs patrons sans scrupules. Leur population fût divisée par 7,  décimée par les maladies et les mauvais traitements.

Vestiges de ces années, de luxueuses demeures, carrelées d’azulejos importées du Portugal, ornent le malecón. On peut aussi admirer sur la plaza de armas, une maison de fer, conçue par notre Gustave Eiffel national, qui fût importée pièce par pièce.

Pour moi Iquitos était un fantasme… je voulais visiter la ville qui avait servi de décor au film mythique de Werner Herzog, « Fitzcarraldo« , ou encore au livre de Mario Vargas Llosa, « Pantaléon et les visiteuses », dans lequel un capitaine de l’armée péruvienne reçoit la délicate mission de créer une unité spéciale de « visiteuses », chargées de soulager les pauvres officiers stationnés dans la jungle et dont les hormones explosent à cause de la chaleur et de l’humidité…

Malheureusement, nous n’avons pu rester que très peu de temps à Iquitos, trop peu de temps pour savourer pleinement l’ambiance indolente servie par l’exquise convivialité de ses habitants.
Nous avons quand-même eu l’occasion de visiter l’incontournable marché de Belén. Situé dans l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, au bord du fleuve, il devient flottant les quelques mois pluvieux de l’année. Ce n’était pas la bonne période pour le voir flotter, mais il n’en reste pas moins hallucinant de couleurs et d’odeurs. Les étals proposent une variété incroyable de fruits et de légumes, bien sûr, mais aussi, de drôles de poissons, des tortues, et même, des brochettes de grosses larves… Beurk ! On n’a pas eu le courage de goûter…

 

PS : Après avoir passé 3 jours supers dans la jungle avec Aaron, l’australien qui, rappelez-vous, s’était fait voler ses papiers et son argent à Pucallpa, parce qu’il s’était endormi dans la rue complètement ivre, nous avons passé une dernière soirée en sa compagnie… Au milieu du repas, Aaron a disparu, il était déjà sérieusement éméché. C’est le lendemain alors qu’on s’apprêtait à partir, que les employés de l’hôtel nous ont informé qu’il avait passé la nuit dehors, et avait été ramassé par les flics au petit matin… blessé à la main et au pied, et de nouveau sans le sou… Incorrigible !

Dans la jungle, terrible jungle amazonienne

Tout juste débarqués à Iquitos, nous prenons à peine le temps de souffler – on ne peut pas dire que les 6 jours de bateau nous ait beaucoup fatigués – et nous nous organisons pour un petit tour dans la jungle par le biais d’une agence familiale. L’agence, par le biais de son fiston, Ulysses, nous propose une forme d’éco-tourisme basé sur l’observation de la faune et de la flore de la forêt primaire – comme ils l’appellent – autrement-dit, la partie sauvage. La formule nous séduit, il ne nous en fallait pas plus pour nous décider ! Aaron, l’Australien qui n’a plus d’argent ni carte bancaire, mais bien motivé pour nous accompagner, aura même droit à un traitement de faveur : payer au retour, après le week-end, le temps que sa banque active sa carte de secours.

Oh ! Des dauphins gris !

Oh ! Des dauphins gris !

Jour 1 :
le lendemain matin, nous embarquons donc sur un « rapido », les navettes rapides desservant les villages aux alentours. On remonte une partie de l’Amazone, slalomant entre les branches et troncs d’arbre, un trajet ponctué de quelques arrêts afin de retirer des branchages pris dans l’hélice. Juana, la mère d’Ulysses, nous accompagne ce matin, afin de rallier le camps. On descend au village de Tamshiyacu, pour un changement d’embarcation. Les 2 heures suivantes seront plus que pénibles (bien que nous ayons connu pire). Nous grimpons dans une barque en bois propulsée par un moteur riquiqui, sous un soleil de plomb. On nous avait annoncé 45 minutes ! Dans l’estimation des durées, le Péruvien de la jungle n’est pas meilleur que le Péruvien des montagnes ! De plus, à tour de rôle, nous écopons pour rester au sec ! Bref, après avoir remonté une nouvelle section du fleuve, nous empruntons un bras, puis bifurquons dans une petite rivière, rectiligne, où la végétation dense des 2 rives s’étale jusque sur la surface d’une eau calme. Pas de doute, nous y sommes ! Papillons, libellules et bêbêtes en tout genre nous font une haie d’honneur lorsque nous mettons enfin pied à terre.

Traversée en barquette de Lu

Traversée en barquette de Lu

Au bout d’un chemin balisé, en fait de campement, nous trouvons une maison sur pilotis dans une clairière aménagée de quelques arbres fruitiers. Nous visitons les lieux pendant que Juana s?attèle directement au fourneau : quelques briques, un feu de bois et une grille pour poser les casseroles, c’est sommaire mais ça marche très bien ! Pendant 3 jours, notre cuisinière nous préparera des petits plats somptueux. Tout est en bois, et la toiture en feuilles de palmier. On a même droit à des chambres avec moustiquaires. La douche est desservie par un réservoir d’eau de pluie. Dépourvu d’électricité bien-sûr, l’endroit est éclairé par quelques lampes à pétrole. Raúl, notre guide, nous ayant rejoint pour le déjeuner, nous partons pour notre première exploration. Equipés de grosses bottes en caoutchouc pour nous protéger des serpents, nous rejoignons l’autre rive. Notre guide nous fait traverser chacun notre tour dans une barque minuscule faite pour une personne, en ramant avec sa machette, une traversée un tantinet périlleuse où le moindre mouvement brusque risque de nous faire chavirer. Raúl, un petit jeune, natif de la communauté voisine (son village s’appelle « Centro America » !), connait son coin de forêt comme sa poche. On a l’impression de progresser au hasard, la tête en l’air, afin de débusquer des bestiaux bien cachés. Il est également doté d’une vision bionique : il repère à l’oeil nu des paresseux, des iguanes ou des faucons, là où nous ne voyons que des branches ou des feuillages ! Au retour de cette balade, nous empruntons heureusement une barque de taille plus honorable qui traînait par là, comme si elle était en libre service…
Tout doux le scorpion
Tout doux le scorpion

Tout doux le scorpion

Tout doux le scorpion

La nuit tombée, des pelotons de moustiques, que je pensais déjà bien repus, nous assaillent de toute part ! Malgré les manches longues, nous nous claquons de manière répétée, comme si nous nous entraînions à danser la Macarena. Nous partons alors à la recherche de tarentules (« tarantula » en espagnol, mais en fait, ce sont des mygales) à la lumière de nos lampes frontales ! Raúl nous fait encore preuve d’un sens de l’orientation hors norme dans l’obscurité persistante. Nous débusquons sans peine quelques spécimens, ainsi que scorpion, araignée-scorpion, serpent-corail, chenilles, grenouilles, etc… Nous retrouvons le gîte comme par magie à l’heure d’un dîner délicieux bien mérité !

 

Miam miam, un piranha !

Miam miam, un piranha !

Jour 2 :
Lever à l’aube ! Nous partons pour une douce promenade en barque afin d’observer les divers oiseaux matinaux sous un beau lever de soleil ! Mon état à moitié ensommeillé ne me permet pas de retenir tous les noms de la diversité de volatiles observés… d’autant plus que je suis une quiche en ornithologie ! Le reste de la matinée est consacrée à une superbe partie de pêche aux piranhas, au menu de notre déjeuner ! Il nous font donc réussir pour assurer notre subsistance… à savoir qu’en guise d’appât nous avons utilisé des petits morceaux d’un poisson que Raúl a sorti de l’eau au harpon ! Il est décidément sacrément fortiche ce petit gars ! Le piranha n’est pas aussi dangereux qu’on le croit, pour preuve, Kelvin et Gringo, les deux chiens qui nous suivaient depuis le début de notre promenade, ont traversé le lac à la nage pour nous rejoindre, sans se faire croquer ! Nous ramenons une bonne quinzaine de prises, dont quelques bars et un gros poisson-chat ! Quelques nénuphars géants plus tard, nous nous mettons à table avec ces prédateurs grillés dans l’assiette !

Une mangue sous la pluie

Une mangue sous la pluie

L’après-midi, il est question d’aller observer des alligators Alors que nous arrivons au village de Raúl, une pluie diluvienne s’abat sur nous. On s’abrite précipitamment chez lui en attendant que ça se calme, alors que dehors, les enfants continuent à jouer de bon coeur. Nous faisons une nouvelle tentative pus tard, mais rebelote, et nous voilà trempés jusque dans nos bottes. La nuit tombe, et quelques passages délicats nous persuadent de rebrousser chemin avant la nuit noire ! Sauf Raúl évidemment, pour qui la pluie battante ne semble être qu’un détail minime. Il nous ramène, un peu déçu de ne pouvoir remplir son rôle de guide jusqu’au bout. Têtu, il nous promène en barque, profitant d’une accalmie, jusqu’à ce qu’on en trouve un, enfin (un alligator) ! En fait, nous ne voyons qu’un oeil brillant dans le noir… je le crois sur parole, allez, on rentre maintenant, je voudrais mettre des habits secs !

A la recherche de dauphins roses

A la recherche de dauphins roses

Jour 3 :
Nous partons pour une nouvelle promenade en barque, sur l’Amazone cette fois-ci, à la recherche de dauphins roses. Je reste un peu perplexe, quelles chances avons-nous d’en apercevoir plus que lors d’un trajet quelconque ? Nous longeons quelques rizières, avant d’arriver au lieu adéquat, en grognant des bruits de cochon affamé – pour imiter Raúl, qui doit s’y connaitre. On en verra bien quelques uns, furtivement, si par chance nous regardons dans la bonne direction au bon moment… mais ils restent tout aussi difficiles à photographier, il faut un vrai coup de bol ! Nous finissons en débarquant sur une plage afin de nous baigner dans les eaux de l’Amazone !

Passager clandestin

Passager clandestin

Notre séjour se terminant, nous reprenons le chemin d’Iquitos, un trajet a priori plus rapide car dans le sens du courant. C’est sans compter sur un nouveau déluge qui nous voit baisser les bâches déchirées et les retenir tant bien que mal pour nous protéger, et qui oblige même le bateau à s’arrêter un bon moment à cause des vagues soit-disant trop importantes. On repense à notre périple en Colombie, sur la mer des Caraïbes, en se disant que ces gens n’ont jamais pris la mer !

Sur le hamac, sur le bateau, sur l’Amazone

Encore un dessin fait sur le bateau en route pour Iquitos. Depuis le poste d’observation de mon hamac, j’ai croqué la maman de Maria, ma voisine.
Pendant les 5 jours de navigation, elle regardait avec nostalgie par la fenêtre, du haut de son mètre 40 et de ses 83 ans.

Le dauphin rose de l’Amazone

Et oui, ce n’est pas une blague, il y a des dauphins roses dans l’Amazone (aussi appelés « botos ») ! Il y en a aussi des gris, plus petits, mais d’une marque différente.
Mais les dauphins roses, eux, sont les plus grands cétacés d’eau douce, ils mesurent jusqu’à 2 m 80 et pèsent environ 150 kg.

Véritable fossile vivant qui a su conserver l’aspect des premiers dauphins du Tertiaire, le Boto a quitté les flots salés de l’océan, il y a de cela plusieurs dizaines de milliers d’années, pour remonter peu à peu les fleuves et s’adapter à la vie en eau douce. Mieux encore, on peut dire dans son cas qu’il s’agit vraiment d’un « dauphin de la forêt pluvieuse », car là où il habite, dans les eaux sombres de l’Amazone ou de l’Orénoque, la jungle est massivement inondée chaque saison pendant six mois. Elle se transforme alors en une étrange forêt aquatique où les poissons volent de branche en branche pour y manger les fruits et les baies, entre les feuilles de la canopée.
On en dénombre environ 100 000 individus.

En 1982, l’équipe du commandant Cousteau venue étudier l’espèce dénonça les expériences scientifiques qui mettaient en danger ces stupéfiants mammifères. En effet, les botos étaient capturés et on prélevait leur rétine, incroyablement similaire à la rétine humaine à des fins médicales.
Aujourd’hui, ils sont protégés par la loi, et celui qui en tue un risque 4 ans de prison.