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El Misti, histoire d’une ascension

Aujourd’hui, je vais vous raconter l’histoire d’une petite promenade comme on en fait pas tous les jours ! C’est qu’à force de voir par ma fenêtre cette petite colline haute de 5822m qu’on appelle « El Misti », la tentation d’aller voir ce qui s’y trouve et d’y admirer la vue n’a cessé de me titiller ! Et moi, quand on me titille, on me trouve !
Et puis, ce dôme presque parfait est aussi l’emblême d’Arequipa qui s’étend juste à son pied, et de le voir représenté partout, ça a dû s’imprimer dans mon subconscient au point de devenir une évidence : j’allais m’approprier cette ville en réussissant (un jour) l’ascension de son plus grand symbole, nom d’une pipe !

Le Misti est partout

Le Misti est partout

Mais 5822 mètres !!! Tout de même, ce n’est pas rien… je n’ai rien d’un alpiniste, et plutôt les poumons d’un fumeur. C’est donc après une préparation intensive de 3 jours sans alcool que je m’embarque dans cette expédition folle avec Bast, l’habitué des hautes cimes, et Got et Nini, pionniers des sommets, comme moi.
Sur les 3500m de dénivelé depuis la maison, le début est de toute tranquillité puisqu’il s’agit d’atteindre en 4×4, l’entame du chemin. Et voilà 1100m de grimpette sans effort, et bien confortablement assis !
Le temps de prendre quelques clichés, nous voilà entrant dans le vif du sujet, chargés de nos vivres et matériel de camping, par un chemin de terre rocailleux.

Fort de sa grande expérience, Bast, très à l’aise dans son rôle de guide, nous mène à allure très modérée, parce que c’est là que réside le secret : « chi va piano, va sano » !

Une bonne grimpette en perspective

Une bonne grimpette en perspective

En pente douce d’abord, le chemin prend rapidement de l’inclinaison pour finir en lacets. La végétation devient rare, jusqu’à disparaitre presque entièrement, laissant place à du caillou, encore du caillou, et beaucoup de sable. Le terrain instable rend la progression un chouille plus compliquée, mais pas de quoi casser 3 pattes à un canard. On se fatigue raisonnablement, et malgré l’effort, nous profitons du moment, seuls dans cette immensité.

 

C’est en début d’après-midi que nous atteignons le campement de base situé à mi-chemin du sommet, à l’abri d’un gros rocher. Je m’offre le petit plaisir de la plus haute cigarette qu’il m’a été donné d’apprécier. C’est en contemplant le coucher de soleil sur une vue à couper le souffle que nous sentons tomber la fraicheur nocturne.

Coucher de soleil à plus de 4600m

Coucher de soleil à plus de 4600m

Le lendemain, nous attaquons les choses sérieuses dès 4h, sous une voute étoilée, à la lumière de la frontale, et accompagné de Fabiano, un Brésilien venu se greffer à nous (son groupe est parti à 1h !). En admirant les lumières de la ville en contre-bas, je me félicite déjà d’avoir passé une nuit sans souffrir de l’altitude. Mais en peu de temps, je me rends compte que ça n’a rien à voir avec l’effort de la veille… et pourtant on s’est délesté du sac à dos !

Tout en profitant d’un lever du jour somptueux, je me dis que je n’avais jamais respiré un air aussi pur, mais aussi rare en même temps ! En effet, la respiration s’accélère, et on s’essouffle plus vite, notre cadence en prend un coup, mais nous ne lâchons pas. Quelques maux de tête et des vertiges passagers viennent s’ajouter à la fatigue. Je comprends mieux pourquoi « monter » en espagnol se dit « subir »… C’est donc au mental que ça se finirait. Et pour le coup, le groupe a fait preuve de force et d’une solidarité sans mesure !

L'ombre du géant au lever du jour

L’ombre du géant au lever du jour

Après plus de 6h d’effort, l’objectif est en vue, nous arrivons à cette croix plantée à la cime ! Les douleurs et la fatigue font rapidement place aux effusions de joie ! La température négative est à peine perceptible, et nous savourons cet instant magique qui vient couronner nos efforts. Il m’est difficile de décrire le ressenti du moment, c’est un mélange de stupéfaction devant le panorama, d’immense satisfaction partagée, mais aussi personnelle, un sentiment de privilège, une impression de domination et de vertige devant la hauteur… c’est quelque chose d’assez particulier que de parcourir les étendues sans fin en contre-bas, simplement du regard… et puis, ce cratère…

Une fois digéré le moment, toute la fatigue contre laquelle je n’avais plus à lutter m’abat sur place, je ne résiste pas au besoin de m’allonger, le temps de reprendre mes esprits avant d’enchainer sur la descente. Excellente, la descente d’ailleurs : une vaste étendue de sable qu’on dévale à grandes enjambées comme des fous !

Le cratère vu du sommet

Le cratère vu du sommet

Cette petite escapade verra la fin du séjour de Bast&Ju et Got&Nini, qui enchaineront dans la foulée leurs aventures vers d’autres contrées. Je renouvelle mes félicitations et mes remerciements à tout le groupe pour cette formidable ascension, et à Bast en particulier pour ses précieux conseils et pour nous avoir organisé cette expédition et ouvert la voie jusqu’au sommet ! Et merci à Ju pour le Bracelet en macramé, il doit toujours se trouver là-haut !

Et j’ajouterais une petite mention pour la feuille de coca qui a sûrement contribué à supporter la fatigue !

Si c’était à refaire, je n’hésiterais pas une seconde, j’espère bien y retourner avec Mag d’ailleurs, mais maintenant mon regard se porte vers Le Chachani et ses 6075m…

Une croix au sommet ! Mais pourquoi donc ?
On nous a raconté un jour, que cette croix avait été placée au temps de la conquête espagnole (comme sur toutes les autres cimes d’ailleurs) pour tenter d’évangéliser les peuples locaux qui vénéraient les sommets d’où coulaient les sources irrigant leurs terres. Et bien, pourquoi pas…

Santa Catalina by night

Santa Catalina, c’est la visite incoutournable d’Arequipa! C’est un lieu chatoyant, où règne une atmosphère de recueillement. Quel dépaysement comparé au chahut du centre ville!
Véritable village dans la ville, ce couvent de 20 500m², le plus grand du monde, fût fondé en 1579 et ouvert au public en 1970. Il accueillait des novices de bonne famille en échange d’une dot importante.
A l’époque de sa construction, les murs du couvent étaient blancs, de la teinte naturelle du sillar. Pourtant aujourd’hui, on se promène dans un dédale de ruelles colorées, portant le nom de villes andalouses dont les carmélites étaient issues. Une succession de cloîtres, jardins, fontaines et placettes bordées par les cellules des religieuses, dont certaines pourvues de mobilier luxueux.
Du temps de sa splendeur, du moins, de son opulence, au XVIIIe siècle, le couvent abritait plus de 500 personnes, la moitié composée de religieuses bien sûr, et l’autre moitié de leurs servantes et esclaves. Singulier enclos à femmes finalement, coupées du monde, ayant fait voeux de silence et de pauvreté, il semblerait qu’elles menaient une vie mondaine intense.
Aujourd’hui encore, une quarantaine de pensionnaires occupent une petite portion du couvent. Si elles respectent davantage que leurs prédécesseuses l’austérité des voeux prononcés, elles ne vivent plus recluses.

Canyon #2 : Cotahuasi

Après notre petit séjour dans le canyon du Colca, je m’était jurée : « Plus jamais de trek ! « , Vous savez, un peu comme après une bonne cuite, le lendemain, en pleine gueule de bois, on dit : « je ne boirai plus jamais » (perso, ça m’arrive régulièrement de me dire ça).

Retour à Cotahuasi

Retour à Cotahuasi

Pourtant, notre virée au Colca s’était révélée formidable. Les pueblos pittoresques, les habitants accueillants, les rencontres autour d’une bière… Et quels qualificatifs employer pour les paysages traversés? Splendides, majestueux… Supers chouettes quoi…!
Mais l’embêtant, c’est que pour explorer un canyon, il faut y descendre et ensuite, forcément, remonter… Et moi, monter, j’aime pas ça, ça essouffle, vous voyez, et moi, être essoufflée, j’aime pas ça, ça me gâche le panorama!
Donc, je m’étais dit : « plus jamais », en tout cas, pas tant qu’ils n’auront pas installé d’escalators.
Et puis, Ju et Bast ont débarqué ! Avec leurs corps tout musclés de randonneurs, leur philosophie toute mielleuse de sportifs avérés, et leur bouche en cœur, ils m’ont eue ! Tout en dégustant ensemble des pancakes (banane/confiture de lait), et en sirotant des piscos sour, ils ont immiscé l’idée dans nos faibles cervelles qu’on pourrait peut-être, éventuellement, un de ces jours, se payer une ch’tite balade à Cotahuasi, le canyon LE plus profond du monde (pas le 2e, hein, le 1er!!!).

Ju et Mag sur le pont

Ju et Mag sur le pont

Pour s’y rendre, nous devons parcourir les quelques 400kms qui séparent Arequipa du village de Cotahuasi, en pas moins de 10h de bus. Le trajet se déroule de nuit, et la route n’est goudronnée que sur une portion de 200kms, après, c’est de la piste! On débarque sur la Plaza de armas de Cotahuasi à 2h45, et on se prend une chambre d’hôtel pour attendre le lever du soleil (et accessoirement, pour dormir un peu). La situation du village, qui est quasiment niché au fond du canyon, est merveilleuse, les sommets nous surplombent, les parois du canyon sculptées en terrasses. Ici, pas de touristes, nous serons, tout le séjour, les seuls gringos à faire l’attraction des villageois amusés, et fiers de leur patrimoine :
Cotahuasien : -« Vous connaissez le canyon du Colca? »
Nous: -« oui »
Cotahuasien : -« Alors, c’est lequel le plus beau, Colca ou Cotahuasi? »
Nous : -« Cotahuasi, évidemment! »
Le matin, après un bon p’tit dej dans un comedor, promenade aux alentours avec visite d’un pont suspendu (ouch! c’est haut…!) en attendant le collectivo qui nous amènera à Charcana, l’endroit où commencera notre trek.
Là, encore, nous renonçons à la tente, les filles pas en top forme (Julie : mal au ventre, moi : mal à la tête) nous dormirons donc chez l’habitant!

Charcana, le cimetière

Charcana, le cimetière

Le lendemain, on entreprend une balade au dessus du village (il a fallu monter!!! pff!), pour pouvoir admirer, outre la vue depuis là-haut (3970m), un cimetière tout mignon, trois hommes carrément pompettes à 9h du mat (qui m’appelaient « gringita »), trimbalant un étrange instrument, et des peintures rupestres (promo section grande maternelle 2010?).
Après ça, c’est parti, on descend tout au fond du canyon ! Mes nouvelles chaussures de marche sont formidables : elles gardent toutes leurs semelles, et elles sont roses!
La descente jusqu’à la rivière nous prendra environ 4 h et s’avèrera, quoi qu’en dise JuBast, vraiment raide. Mais la difficulté est largement compensée par la magnificence du site (réserve naturelle protégée depuis 2005), la diversité de la végétation (surtout des cactus!), l’harmonie entre l’homme et la nature, attestée par la contemplation des cultures en terrasses, admirablement adaptées au paysage.

Charcana

Charcana

On bivouaquera sur une esplanade dominant la rivière, semée de plantes grasses et épineuses, repus de soupe chinoise lyophilisée.
On rejoindra au petit matin l’arrêt du collectivo journalier à Velinga, qui nous ramènera à Cotahuasi, et on jouera des coudes pour obtenir une place assise.
Le soir, retour à Arequipa par le bus de nuit, la tête pleine d’étoiles, déplorant de n’avoir profité de cet endroit sublime que pendant 3 jours… C’est sûr, on y retournera à Cotahuasi!