La naissance d’un peuple
Cusco, lithographie espagnole
Les Incas… pardon, les Quechuas… n’avaient pas de chevaux, pas d’outils en fer et n’avaient pas encore inventé la roue. En revanche, ils avaient sans doute inventé l’eau chaude, même si aujourd’hui encore, il n’y en a pas partout au Pérou. Ils n’écrivaient pas non plus de livres. C’est donc une légende qui raconte l’origine de ce peuple :
Le couple originel a été sorti des eaux du lac Titicaca par les dieux Viracocha, dieu créateur, et Inti, dieu du soleil. Ces deux premiers Incas ont lancé un bâton en or et fondé leur capitale à l’endroit où il est retombé, à Cuzco donc, « le nombril du monde » – ce qui représente un lancé d’environ 300 km, comme quoi, ils étaient prédisposés à réaliser de grandes choses.
Statue de Pachacutec
Grands guerriers, de taille néanmoins modeste, ils s’imposèrent progressivement auprès des tribus voisines, dont la quinoa était plus appétissante. C’est après quelques siècles d’échauffourées, par un beau jour ensoleillé de l’an 1438, que l’empire Inca prit le pouvoir sous les ordres de l’Inca Pachacutec, 9ème de la dynastie, en anéantissant les derniers récalcitrants de la région. Cherchant à battre l’or tant qu’il était chaud, celui-ci poursuivit son expansion sur les hauts plateaux andins et jusqu’en Équateur dans le nord, ce qui fait, après calcul, un très long trek même équipé en Quechua !
La stratégie était d’une simplicité enfantine : fin diplomate, il proposait l’annexion à ses voisins, argumentant de manière très convaincante, sous la menace de ses forces armées. En cas de refus, évidemment, l’intervention militaire réglait le débat de manière radicale. Ainsi, l’expansion du territoire tout azimut prit des proportions phénoménales.
L’apogée d’un empire expansionniste
Au terme de sa campagne, du style napoléonien, Pachacutec avait conquis un vaste empire, Tahuantinsuyu comme on l’appelait, qui s’étendait dans les 4 directions depuis la capitale Cusco, le divisant tout logiquement en 4 secteurs : Chinchasuyu, Collasuyu, Contisuyu, Antisuyu (Nord, Sud, Ouest, Est).
Constitué d’une multitude de peuples querelleurs, il était maîtrisé par une présence militaire dissuasive et géré par une bureaucratie efficace – si tant est que ça puisse exister. Sans la paperasse, toutefois, ça reste plausible…
- Une comptabilité rigoureuse était tout de même tenue, grâce aux Quipus, système de cordelettes à nœuds, indéchiffrables par le non-initié.
- Les populations étaient délocalisées, calmant toute envie de rébellion, et remplacées par des colons, histoire d’imposer partout la culture inca : langue unique et culte du dieu Inti.
- Le travail s’effectuait au service de la communauté, et le produit des récoltes redistribué aux populations. Comme quoi, Karl Marx n’a rien inventé…
- Périodiquement, le gouvernement inca faisait la réquisition de la main d’œuvre afin de réaliser de grands travaux, remplaçant à son avantage toute forme d’impôt ou d’esclavage.
Cultures en terrasse
On doit ainsi à Pachacutec la construction d’une capitale imposante (dont le plan représenterait une forme de puma), des monuments importants comme le temple de Qoricancha ou encore la célèbre citadelle de Machu Picchu. Il fit construire un énorme réseau de routes, le Qhapac Nan ou « grand chemin » (connu aujourd’hui sous le nom de chemin de l’Inca), afin de communiquer rapidement avec ses provinces. Il développa les cultures en terrasse et ordonna des études d’agronomie afin d’optimiser la production agricole jusque dans les vallées les plus encaissées.
L’arrivée des conquistadors et le déclin de l’empire
Les Incas suivants poursuivirent l’œuvre de Pachacutec si bien que lorsque les premiers espagnols pointèrent leur nez en 1527, Huyna Capac était au pouvoir d’un empire qui s’étendait de la Colombie jusqu’à Santiago au Chili, recouvrant l’Equateur, le Pérou bien-sûr, la Bolivie et une partie du nord de l’Argentine (à l’époque, Le chemin de l’Inca représentait un réseau de 5000 km de routes pavées).
Comme tout un chacun, il mourut, par un jour funeste de la même année. Grande nouveauté cependant, il succomba à une maladie alors inconnue, venue d’Europe. Il laissa un empire en proie à une guerre civile, ses fils Huascar et Atahualpa, tout 2 prétendant au trône, se partageant le territoire.
Inca Atahualpa
Quand Francisco Pizarro débarqua en 1532, avec son armée de 180 hommes hirsutes et déguenillés, Huascar avait été fait prisonnier par son frère rival. Fort de son armée de plusieurs dizaines de milliers de guerriers aguerris, Atahualpa n’y vit aucune menace, les prenant même pour des dieux, le retour de Viracocha ayant été prédit. Une entrevue fut organisée entre Atahualpa et Pizarro, accompagné du prêtre Vicente Valverde. L’anecdote raconte que le prêtre tendit la bible à l’Inca en lui disant : « tiens, je vais te faire entendre la parole de Dieu » et que celui-ci la portant à son oreille lui répondit « je n’entends rien » et la jeta à terre. Ce geste déchaina la fureur des espagnols qui décimèrent l’armée Inca et firent prisonnier leur empereur. Une rançon fut exigée contre sa libération : autant d’or et d’argent que put contenir sa cellule. Le royaume fut ainsi pillé de ses richesses (qui n’en était pas pour les Incas pour qui l’or n’avait qu’une valeur décorative) et l’Inca Atahualpa fut exécuté malgré tout, à Cajamarca.
Inca Tupac Amaru
Décontenancés et décimés par les maladies (rougeole, variole,…) les indiens n’offrirent pas grande résistance à l’invasion espagnole qui s’ensuivit. Pizarro attisa même les rébellions et s’empara de Cuzco dans l’année. Dans la foulée, il fonda une nouvelle capitale sur la côte (Lima aujourd’hui). Un Inca fantoche et docile fut mis en place par les conquérants, l’Inca Manco Capac II. Cependant, ulcéré par les exactions espagnoles, il se décida à mener la révolte depuis la cité d’Ollantaytambo où il se réfugia. Il faillit réussir, mais épuisé, il fut contraint au repli dans la jungle.
Sa descendance tenta une ultime résistance, en vain. Le dernier Inca, Tupac Amaru fut capturé et exécuté en 1572, mettant un point final à la dynastie Inca.